L'HISTOIRE D'UNE FAMILLE, UNE FAMILLE DANS L'HISTOIRE, DES HISTOIRES DE FAMILLE











l'Histoire de la famille VILAIN la famille de mon Père, et de la Famille CHAUVET celle de ma Mère








Si des membres ou des amis de la famille , ont des documents, papiers ou photos concernant notre famille, ou ont connaissance d'anecdotes et d'informations ils peuvent me contatcter et/ou m'adresser ces documents en les scannant et me les envoyer par mail:
j-philippe.vilain@wanadoo.fr






















lundi 31 janvier 2011

EDGARD CHAUVET, MON GRAND-PERE (Branche maternelle)

    1894, en France, Casimir PERIER est Président de la République , mais nous nous transportons en Amérique du Sud,  en République d'Argentine. Depuis seulement 14 ans sa capitale a été fixée à Buenos Aires.  Nous rejoignons une petite ville du nord de l'Argentine, Concordia près de la frontière avec le Paraguay.




Casimir PERIER, Président de la République.





    Un petite famille d'immigrés français attends un heureux évènement. Cela fait 4 à 5 ans qu'ils sont installés là, cherchant a faire fortune comme le promettait les brochures et publicités qui les ont incité à venir. Tout cela à cause du phylloxera.
    Lui, le père, Jean CHAUVET était boulanger à St Félix dans le Sud-Charente. Elle, Marie-Angéline ROY était originaire de Berneuil. Il se sont mariés en 1886, et cela a été le seul mariage de l'année à Poullignac, dans la toute petite église du village.

église de Poullignac
 C'était avant le Phylloxera, cette saloperie qui a détruit toutes les vignes de Charente. Du coup toute l'économie locale s'est écroulée, plus de travail, des famines, des épidémies, les gens n'ont plus le sou, les gens partent vers les villes, vers les colonies, à l'étranger.
    A la même période, les toutes nouvelles républiques d' Amérique du Sud font du charme. De nombreux encarts de réclame (on ne dit pas encore publicité) font miroiter monts et merveilles, dans  un eldorado en manque de colons. Ces pays neufs ont besoin de bras pour démarrer une économie quasi inexistante depuis leurs indépendances.
    Pour des raisons que nous étudierons dans d'autres chapitres, Jean et Marie-Angéline CHAUVET font leurs paquets et partent à l'aventure car il n'y a plus rien à perdre. Rester c'est peut être mourir, autant partir pour un ailleurs dont on ignore même ce qu'il sera. Ils prennent donc le bateau, débarquent en Argentine et s'installent dans le nord, à Concordia.




    Je n'ai que peu d'éléments sur leur période Argentine si ce n'est qu'ils auront un premier fils en 1892, Hilaire, et nous voilà  en 1894, le 29 Septembre précisément, ce jour là,   Edgard vient au monde.

    Edgard, André CHAUVET fils de Jean, André CHAUVET et de Marie-Angéline ROY deviendra ce grand gaillard d' 1m96 qui sera mon Grand-père.


    Nous n'avons que peu d'informations sur leur vie en Argentine, mais il semble que cela n'est pas été aussi rose que cela le promettait. Ils se sont mis à l'espagnol sans trop de difficultés,  et ils en garderont  l'accent toute leur vie. D'ailleurs ,  ils s'appelleront entre eux par des diminutifs d'origine espagnole, Hilaire deviendra Hilario, même  Marie- Elodie la petite dernière qui naîtra en France  répondra au surnom d'Hélina,...


    Puis subitement, ils reviennent en France vers 1900. Était-ce l'état de santé de la grand-mère restée à Ste Souline(le berceau de la famille CHAUVET) ou était-ce les bruits de la Guerre qui se précisait qui les poussa à rentrer ? je ne le saurai probablement jamais. La petite troisième et dernière enfant du couple naît en France en 1906.
Pour tous les habitants du village, et des environs, ils seront les "Étrangers" dont on se méfiera longtemps, avec leur drôle d'accent.

    Je n'ai pas d'information sur la scolarité ou la jeunesse de mon grand-père Edgard. Pour moi son Histoire commence pendant la Grande-Guerre. Comme son frère, il combattra à Verdun. Mais si son frère aîné succombera des suites de la misère vécue  dans les  tranchées, lui sera gravement blessé dans sa chair.




    Il aura un poumon arraché par un éclat d'obus. Laissé pour mort, on se rend compte qu'il est encore chaud et flasque au moment de jeter son corps sur la pile de cadavres. On le ramène à l' Ambulance (hôpital de campagne près du front , juste derrière les tranchées). Il survivra mais  rentrera meurtris à vie;  il aura des soins tout le temps, et  cela à la longue lui coûtera la vie. Il manquera même de se faire fusiller ou déporter comme nous le verrons plus tard.
    A la fin de la guerre il mettra du temps à s'en remettre, mais un seul poumon ne l'arrêtera pas. Il a 24 ans c'est un grand beau jeune homme, très classe. Une voix tonitruante, très virile lui donne, en plus, un charme fou. Comme beaucoup de jeunes des Années Folles il va s'étourdir à faire la fête. Il sait jouer de plusieurs instruments (piston et clarinette) et bien vite avec plusieurs amis,  ils jouent dans les bals du Sud-Charente.
    Il joue également pour animer les repas de mariage et c'est ainsi qu'il va rencontrer un petit bout femme, mignonne à croquer. Ses taches de rousseur, (lui même est rouquin) et son petit nez en trompette l'ont charmé. Elle est cuisinière, et il se retrouve souvent lors des nombreux repas de mariages qui suivent la fin de la guerre.
    Elle, c'est Helène CLAUSURE. Ils vont s'aimer et se marier.


    Le 28 Avril 1928, une joyeuse assemblée se présente à la mairie de Ste Souline. Etienne TROLONGE, maire de la commune fait entrer tout ce petit monde, tant bien que mal, dans la toute petite salle de la Mairie. Après les vérifications d'usage, lecture des articles du code civil faite,  Monsieur le maire va unir les deux tourtereaux :
Edgard, André CHAUVET, 33 ans, cultivateur, domicilié aux "Hautes Lunettes"; et Hélène, Marguerite, Thérèse CLAUSURE, 22 ans, cuisinière, domiciliée "Chez Bouchet" à Ste Souline. Une seule absente, la Mère de la mariée, décédée en 1923 à Montboyer.
Tout le monde signe les actes, y compris les deux témoins Abel, Marc MATRAT cultivateur à Ste Souline et Abel HERVOIR menuisier à St Médard d'Eyrans en Gironde. Ils sont enfin unis pour le meilleur et pour le pire.

Ils vont s'occuper des terres familiales à Ste Souline, aux "Hautes Lunettes". Puis juste un peu avant la guerre mon grand-Père deviendra Cantonnier à Chadurie, arrondissant les fins de mois en exploitant quelques hectares à "Boisrond" sur cette même commune  où ils vont habiter jusqu'à sa Retraite, et  tout cela pour nourrir sa famille nombreuse.

    A la maison, on vit comme au 19ème siècle, Edgard mange à table avec ses enfants autour de lui, son épouse se tient debout derrière lui et sert la tablée. Elle mange après. Jamais durant sa longue existence elle ne se plaindra de ce fait, c'était ainsi,  voilà tout. De leur amour naîtra 13 enfants dont seulement 11 vivront.
    Mais les moyens financiers font défaut pour élever correctement une telle nichée. Aussi,  la soeur d'hélène et son mari, Edith et Claude JOUMIER , ne pouvant avoir d'enfant prendront à leur charge financière l'éducation de plusieurs des enfants.

    Et les enfants il y en a :

à Ste Souline :
* le 11 Mai 1929 à 20h, est arrivé Pierre, André  que toute la famille connaîtra sous le sobriquet de Pierrot
* le 02 Juillet 1930 à 2 h est née Jeannine, Anne, Marie
* le 09 Mai 1932 c'est le tour de Pierrette, Annie
* le 14 Novembre 1933, arrive la petite Maryse, Michelle que la famille ne connaîtra que sous son deuxième prénom
* le 26 Mai 1935 à 5h du matin arrive Lionel ,Gérard
* le 06 Août 1936 c'est Jean-Claude, Gaëtan vers 08h 30
*le 20 Août 1937 c'est Joël, Berthy sur le coup des 4h du matin

à Chadurie :
* le 08 Avril 1941, 10h30, est annoncé Réjean, Boris
* le 18 Novembre 1942, le douzième coup de midi coïncide avec la naissance de Réjeane, Eliette,   ma Maman
* le 14 Juin 1944, arrive Claudette, Liliane vers 04h30
* le 03 juillet 1945, voit passer un petit ange, Serge, Guilbert qui s'eteindra à 10 mois le 28 mai 1946
* le 29 janvier 1947, une petite comète, un autre petit ange:  Josette, Marie-Claire sera rappellée à dieu, 1 mois et 3 jours après sa naissance,  le 3 mars 1947
* et enfin le 21 juin 1948 on claironne la naissance de Marivonne, Trésille vers 15 h30.


    Revenons en à notre histoire:  vers 1938/1939 la famille s'installe à "boisrond", en face où aujourd'hui est située la tour des émetteurs tv et téléphone.
    A cette époque là,  à la place de la tour, il y a une mare, et à la place du marchand d'outillage, des prairies. Ce qui est aujourdhui un restaurant routier, était l'étable qui abritait leurs vaches et leurs moutons de mes grand-parents. De là,  les enfants allaient à l'école à pieds jusqu'à Chadurie,  distant de quelques kilomètres.
      Le train-train de la vie à la campagne, au rythme des saisons est  à peine troublé, par la déclaration de guerre en septembre 1939;  pas plus que par l'exode qui passe devant la porte. alors on s'enferme le temps que passe les gens. L'armistice calme le flux.
    Je n'ai pas appris grand chose sur la cohabitation avec l'occupant, mais victime de la Grande Guerre , Edgard ne les aimait pas. Quelques réquisitions de poules, de lapins, d'oeufs  sont effectuées avec les pistolets mitrailleurs pointés sur la famille ; pas d' infos non plus sur la proximité d'un régiment de cavalerie cosaque de l'armée allemandes,  cantonné entre Charmant et Chadurie.


mars 1944, escadron cosaque a l'entrainement près de Charmant
Rien non plus sur l'ambiance suite au sabotage de la voie ferrée  pres de Charmant qui provoqua le déraillement important d'un train de troupes et de materiels allemands.
 Toutefois, Edgard va jouer de la musique dans les bals clandestins du canton, ce qui donnera bien des inquiétudes à ma grand-mère. Les bals, ainsi que toute réunion avaient été interdits par les allemands, et musiciens et "noceurs" risquaient la prison.
    Vers la fin de la guerre, on a frôlé la catastrophe. 1944, l'année où la famille a faillie être déportée ou fusillée sur place.
    Mon Grand-Père était grand blessé de guerre, son poumon arraché l'a fait souffrir jusqu'à sa mort et son état necessitait un suivi médical permanent. Le médecin venait toutes les semaines lui effectuer des soins et passait souvent le soir en terminant sa tournée. Cela a rendu de nombreux services à plusieurs résistants blessés qui souhaitaient se faire soigner discrètement à l'insu des forces de police et des allemands. Ils passaient discrètement de nuit et le médecins pouvait leur prodiguer des soins.

   Une voisine jalouse, haineuse,  pour une vieille histoire de terrain, une histoire d'avant la guerre, avait remarqué ces va et vient,  et avait dénoncé mon grand-père. Début 1944, les allemands sont à cran, ils sentent la haine monter dans la population, leur situation militaire se dégrade à la vitesse grand V, en un mot ils sont sur les dents. Le Sipo-SD  qui a remplacé la Géfépo d'Angoulêmene exploite toutes les dénonciations qui paraissent juteuses. Et donc une nuit de 1944, la famille est réveillée en sursaut par l'arrivée de camions. Des coups violents sur la porte se font entendre. La maison est vite envahie d'allemands en armes qui font aligner tout le monde, en queue de chemise, mains sur la tête,  face au mur,  dans la lumière des phares des camions. La maison est fouillée, tout est retourné du sol au plafond, les parquets cirés,  fierté de ma grand-mère porteront longtemps les griffures des bottes cloutées allemandes. Elle gardera cela en mémoire toute sa vie, sans réaliser qu'elle et ses enfants sont passés à deux doigts de la mort.
Policiers de la Géfépo d' Angoulême, à leur QG  de l'avenue Wilson



   N'ayant rien trouvé, l'officier allemand épluche leurs papiers d'identité en les interrogeant. Puis tout à coup,  il s'arrête net sur la carte d'identité de mon grand-père. S'en suit un silence pesant, l'homme sourit et engage la conversation avec sympathie. Il vient de relever un détail sur la carte d'identité, détail qui viens de tous leur sauver la vie: la mention "République d'Argentine"  ;  l'officier a vécu en Argentine  avant la guerre. Après la déclaration de guerre l'Argentine restera Neutre (après la guerre de nombreux allemands trouveront refuge en Argentine). La discussion continue aimablement sur l'Argentine, l'officier informe mon grand-père de la dénonciation et convient qu'il s'agit d'une fausse dénonciation par jalousie. Il s'excuse, fait évacuer ses hommes, et ils repartent vers Angoulême,  laissant la famille incrédule toujours alignée,  les mains sur la tête. Jusqu'à la libération les visites nocturnes se feront plus prudentes,  en faisant attention à éviter la voisine trop curieuse.



    Mars 1944, autre grande peur, le Bombardement d'Angoulême..., il est 21h30, le 20 mars 1944, la famille s'apprête à aller se coucher, les plus petits sont déjà au lit, dehors il fait nuit depuis peu. 
     Tout à coup, un bruit énorme dans le lointain,une énorme déflagration, suivie de bien d' autres. Tout le monde se précipite dehors, et là bas, en direction d'Angoulême une lueur vive qui fluctue.  Les alliés sont entrain de bombarder la Poudrerie Nationale d'Angoulême exploitée par les allemands.   Personne ne dormira cette nuit là. Que vont faire les allemands ? ne vont ils pas raffler des otages ?....Le 15 Juin 1944, à nouveau les alliés bombardent Angoulême, vers 7 h 30 du matin. Le débarquement a eut lieu le 6, et l' espoir renaît . Mais le 10 Juin, le bataillon "Der Führer" de la division SS "das Reich" remontant vers la Normandie depuis Montauban, commet les massacres de Tulle, et surtout détruit Oradour sur Glane et toute sa population, et cela  à moins de 100 kilomètres d'Angoulême. Tout cela juste pour marquer les esprits, pour que les populations terrorisées devant tant d'horreur ne se soulèvent pas, et ne retardent pas  la montée des renforts allemands vers le front. 

Les alliés ,eux , visent la gare pour gêner justement la circulation des trains de troupes et de munitions. La gare d'Angoulême est un noeud stratégique sur l'axe Bordeaux-Paris, mais aussi Limoges-Royan/La rochelle où les allemands concentrent des troupes dans les futures poches fortifiées. Donc ce matin là,  la gare est visée ; la gare où deux trains de voyageurs bondés attendent le départ. Dès le déclenchement des sirènes, le personnel de la gare dirigent les voyageurs vers le tunnel. Tout le quartier des gares (il y en a 5 à l' époque) est écrasé sous les bombes. Mais le bombardement manque de précision, et de St Roch à l'Houmeau, beaucoup de maisons ne sont que décombres et flammes.
la gare d'Angoulême après le bombardement


rue st Roch, en face c'est la place victor hugo

même lieu , vu depuis la place victor hugo
  Le résultat est un désastre : les deux vagues d'avions ont détruit 400 maisons, fait 123 morts dont 13 enfants, une centaine de blessés, 5 000 sinistrés...les voies de chemin de fer seront vite rétablies , provoquant un nouveau Bombardement le 15 Août 1944, quinze jours avant la libération d'Angoulême.  Donc, la famille vit cette période incertaine dans la peur, ils vivent au bord d'une grande route, on peut craindre des représailles à tout instant.


 Un convoi peut ouvrir le feu, ou prendre des otages ...à vol d'oiseau il sont a moins d'un kilometre du Tunnel de Livernant où passe la voie Paris-Bordeaux. En cas de sabotage, ils seraient les premiers visés par des représailles. Imaginez l'angoisse de ce père et de cette mère pour leur neuf enfants!


   Angoulême est enfin évacuée par les allemands, dans la nuit du 31 Aout au 1er Septembre 1944, au même instant Paris fête sa libération. Les derniers allemands rejoignent les convois qui remontent vers Poitiers et Nevers, les autres se replient vers  Royan et La Rochelle, où ils s'enferment dans les "poches fortifiées": la première sera prise en avril 1945, la seconde ne déposera les armes qu' en Mai 1945. Les FFI et FTP investissent enfin Angoulême , non sans combattre les derniers éléments retardateurs qui protègent la retraite de leurs compatriotes et autres collaborateurs en fuite. 


    La paix revient, avec son lot de fêtes et bals, l'euphorie succède a la guerre. Edgard est à nouveau très sollicité pour ses dons de musicien. Puis la vie reprend son rythme. Le pays manque de tout, certains produits comme le pain, le cuir, le tabac resteront rationnés longtemps, comme par exemple l'essence qui le restera jusqu'en... 1951 ! 
   Les enfants de la famille Chauvet grandissent, deviennent indépendants, se marient et quittent la maison, ce sera un autre chapitre. 


Edgard et Hélène en mars 1963
  Edgard atteint enfin l'age de la retraite et avec son épouse, ils regagnent leur domicile des "Hautes Lunettes" sur la commune de Ste Souline. Sa vieille blessure de 14/18 se transforme peu a peu en un cancer qui le ronge et le fait souffrir. Il s'éteint le 2 juillet 1964, je n'avais pas encore un an. 

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